1er mois...
Les larmes étouffées hier soir au coucher. L'envie de me réveiller déjà le 19, et pas encore le 18. Gorge serrée, noeud dans le ventre, jambes molles...
Je suis seule au bureau jusqu'à 18h. Seule pour la journée entière, à tenir ce magasin dont je me contrefiche complètement. Mon boulot, c'est comptable, pas vendeuse! Mais je ferme ma gueule parce les boss acceptent que je prenne du temps (sur mes congés) pour mes rdv chez la gynéco...
Seule dans ce putain de magasin, à sursauter dès qu’un client entre, comme fin juillet-début août... Au moment où tu as décidé de partir.
Et cette culpabilité qui me ronge depuis : tu es partie pendant que je passais des sales journées à faire un boulot qui ne me plait pas. De là à dire que mon stress t'a tué, il n'y a qu'un pas... Sauf qu’aucune étude n’a démontré que c’était possible !!
J'espère au moins que tu n'as pas souffert...
1 mois à me demander pourquoi toi? Moi? Nous?
J'étais tellement fière de mon ventre qui poussait! Enfin je n'étais plus "une grosse dame", j'étais "une femme enceinte"! On commençait à me demander "c'est pour quand?". Tous les vendredis je prenais mes mesures : poids, tour de ventre... Je passais des heures à te caresser au travers de mon ventre. Mon moment préféré, c’était le câlin du coucher. Depuis le début !!
Le 12 août, une dame de la PMI m'avait appelée. Pendant 20 min, on avait parlé de sophrologie, d'haptonomie. Elle disait qu'il fallait déjà commencer. J'avais prévu d'appeler la sage femme libérale le lendemain après midi, après le rdv du 4ème mois. Parce qu'à chaque échographie, je prenais ma journée... pour savourer ce moment unique.
Pourquoi on n’a pas réussi à aller jusqu’au bout toutes les deux ?
Qui décide de la vie ou de la mort ? Je n’ai jamais fumé, pas pris de drogue, je ne buvais plus d’alcool mais je m’hydratais énormément (pour toi !), je mangeais plus sain que jamais.
J’étais déjà une mère louve. Parce qu’on ne devient pas Maman à partir du moment où on tient son enfant (vivant) dans ses bras. On est Maman à partir du moment où on sait qu’il est là !
1 mois à tenter d'apprivoiser ce vide dans mon corps meurtri, et mon cœur coupé en deux qui saigne.
A se demander quand cesseront les nausées, quand dégonflera ce ventre, cette poitrine, quand on ne verra plus rien, quand mon corps recommencera à fonctionner… A attendre les résultats des analyses de sang, de l’autopsie, le courrier de l’hôpital qui nous dira que tu es enfin dans le « jardin du souvenir »…
1 mois à se battre pour qu’on te considère comme notre 1er enfant !! C’est hallucinant d’être obligé de faire ça, et c’est terriblement douloureux !
On devrait être moins triste de ton décès que lorsque le chien nous quittera ? Parce que le chien (ça marche aussi avec le chat, le lapin, le rat…), on a des souvenirs avec lui, des photos, du temps passé…
30 jours à collecter le maximum de souvenir de toi, pour les partager avec les autres, ceux qui t’aiment. Nous, on était connectée toutes les deux, c’est différent…
Camille, la seule chose qui me détende en ce moment, c’est de continuer ta broderie. Et je m’applique, je ne supporte pas le moindre « faux point » ! J’ai hâte d’y broder ton prénom, et de l’accrocher dans la petite chambre verte… Notre chambre d’enfant.
La douleur qui m'habite depuis un mois n'a rien à voir avec la douleur de l'enfantement. Comme n'importe quelle maman, je peux dire "la douleur de l'accouchement? On oublie vite!". La douleur de perdre son enfant par contre...
Ma Camille, mon papillon, prend soin de nous et des gens qui t’aiment… Soit sage ma fille (mais pas trop!)...
Il est 15h15, ce 18 septembre...